Depuis l’apparition de Google Maps et d’autres applications GPS dans les années 2000, on aurait pu croire que le genre de l’atlas n’avait plus de raison d’être, l’information sur presque tous les lieux de la planète étant désormais disponible en quelques clics. Pourtant, l’atlas connaît aujourd’hui un regain d’intérêt : de nombreux éditeurs publient des atlas consacrés aux lieux les plus curieux, ou même à des entités détachées de la géographie, souvent sous la forme de beaux volumes destinés aux amateurs de cartes, aux armchair- travellers et aux bibliophiles.
Progressivement, l’atlas semble quitter le rayon « géographie » des librairies pour rejoindre celui de la « littérature ». L’exemple le plus célèbre de ce glissement est sans doute celui de l’écrivaine et artiste allemande Judith Schalansky avec son Atlas des îles abandonnées (2009), sous- titré dans sa version originale : Cinquante îles que je n’ai jamais visitées et que je ne visiterai certainement jamais. Ici, le but n’est plus tant l’information que le plaisir esthétique et narratif : belles cartes, anecdotes singulières, fragments d’histoires… de fiction, peut-être ? Dans son sillage, de nombreux ouvrages ont vu le jour : L’Atlas des contrées rêvées, L’Atlas des lieux maudits, L’Atlas des pays qui n’existent pas, etc. D’autres encore recensent les lieux littéraires ou les cartes présentes dans les arts, de L’Île au trésor de Stevenson au générique de Game of Thrones, comme The Writer’s Map de Huw Lewis-Jones ou L’Atlas des lieux littéraires de Cris F. Oliver.
Ce rapprochement entre atlas et fiction n’est pourtant pas nouveau. Depuis la naissance du genre, à la fin du XVIᵉ siècle, l’imaginaire a toujours été présent : on inventait des contrées encore inexplorées, on peuplait les marges des cartes d’êtres mythiques ou d’animaux fabuleux, comblant ainsi le vide des océans ou des zones blanches. Les monstres marins figurant sur la carte marine d’Olaus Magnus (XVIᵉ siècle) en sont l’exemple le plus fameux.
L’objectif de cette journée d’études est d’interroger ces liens entre atlas et fiction. Si une attention particulière sera portée aux productions contemporaines, l’histoire du genre et les périodes anciennes seront également considérées, dans une perspective interdisciplinaire : lettres , géographie, philosophie, histoire. Les réflexions porteront aussi bien sur la matérialité du livre que sur la relation texte-image. Alors que les cartes et la cartographie ont suscité de nombreux travaux récents, l’atlas en tant que forme spécifique a été moins étudié. Pourtant, par l’esthétique commune qu’il impose aux cartes qu’il rassemble, l’atlas suggère une cohérence et construit un monde à la frontière de la réalité et de la fiction.
Cette journée, à la croisée des études de genre littéraire, de l’intermédialité et des théories de la fiction, donnera ieu à une publication dans les Cahiers FoReLLIS . Organisée par le FoReLLIS ( UR 15076 ) en partenariat avec l’Espace Mendès France (Poitiers), dans le cadre d’un programme consacré à la cartographie, elle sera précédée d’une conférence ouverte au grand public la veille au soir.
Programme: