Ce colloque international s'intéresse aux phénomènes reliant l'épopée à l'intermédialité: qu'il s'agisse d'adaptations de matières épiques dans d'autres médiums (théâtre, film, bande dessinée...) ou d'oeuvres reliant plusieurs arts à la manière d'un "Gesamtkunstwerk", une oeuvre d'art total. De même, l'oralité des poèmes épiques sera interrogée comme un phénomène intermédial. L'événement réunit en particulier les chercheurs du réseau CIMEEP (Centre International et Multidisciplinaire d’Études Épiques) et du FoReLLIS B ; il est rattaché à l'axe "Médialités, intermédialités, transmédialités".

La tradition de l’épopée ou du « rêve de l’épopée » (H. Christians, 2004), la recherche de l’idéal par définition inaccessible du modèle homérique, s’est toujours accompagnée d’une remise en cause des frontières entre les différents médias : la description du bouclier d’Achille dans l’Iliade, première ekphrasis de l’histoire littéraire européenne, signe traditionnellement le début des réflexions sur les relations texte-image. Ainsi, depuis l’Antiquité, l’idée de l’aède et l’idéal de l’écriture déterminée par la présentation orale ont accompagné la production de textes épiques intrinsèquement ambivalents, situés à la frontière entre le texte et la parole. La matière épique – des histoires de héros rayonnants qui se battent pour le collectif – inspire les auteurs dans leur recherche d’un texte idéal, capable de décrire et en même temps d’unir la communauté dans un langage sophistiqué et souvent versifié. Mais dans la même mesure, ces matières, qu’elles reposent sur un texte concret ou sur des sources hybrides, deviennent aussi des motifs des arts visuels : on les retrouve sous forme de peintures ou de sculptures. La question de l’intermédialité de l’épopée se pose également lorsque la matière épique est mise en scène – de la tragédie et de l’opéra classiques aux longs drames historiques du XIXesiècle, qui font souvent délibérément référence à la tradition des épopées nationales et sont reçus comme des « drames épiques ». Mais alors que les possibilités de représentation sur la scène classique étaient soumises à des limites spatiales et morales claires, l’émergence du film, au XXesiècle, a pu ouvrir des possibilités totalement nouvelles : à l’écran, de nombreuses adaptations de matières épiques classiques obtiennent finalement le succès populaire tant attendu ; à Hollywood, l’epic filmdevient même un genre à part. Plus récemment encore, ce succès a été prolongé par le jeu vidéo et la bande dessinée, ce qui a permis entre autres de remettre en cause la linéarité du récit et de recourir à de nombreuses citations intertextuelles et intermédiales. L’évolution, au fil des siècles, montre que chaque nouveau médium évoque le scepticisme des précédents, tout en ouvrant de nouvelles possibilités aux matières épiques traditionnelles ou plus récentes. L’émergence d’esthétiques nouvelles reflète ainsi toujours la longue tradition du récit épique.

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